Le morta, or noir de Brière

La forêt de Brière sommeille depuis 4000 ans. Lorsque la fin de l'été s'annonce et que le marais s'assèche, certains partent à sa recherche. Ils sondent la terre, fouille la tourbe et trouvent la belle endormie, qu'ils réveillent et transforment... en or !

Une forêt pour berceau

Il y a 5000 ans, lorsque la Brière fut séparée de la mer, le Brivet, dernier affluent de la Loire, rinça de ses eaux douces le fond de l'ancien golfe marin. Libérée du sel, la terre nourrie par le cours d'eau, se mit à germer. Des plantes, des feuilles, des troncs apparurent peu à peu et une vaste forêt s'épanouit. Aujourd'hui, on la sait vaste et composée de chênes et de bouleaux mais n'ayant que peu vécu, elle reste mystérieuse. Il faut l'imaginer humide, parcourue de cours d'eau, de ruisseaux. Rapidement elle changea, quand le Brivet la noya. Les arbres se couchèrent se laissant recouvrir d'eau, de roseaux, puis de tourbe. Et la forêt s'endormit.
  • Chênes

La forêt engloutie

Prise dans sa gangue de tourbe, la forêt de Brière n'a pas disparu. Les arbres sont toujours couchés là, mais recouverts de plus d'un mètre de marais. Imaginez la surprise des Briérons de jadis, parcourant la Brière à la fin de l'été pour récolter la précieuse tourbe. Ils arpentent ces étendues avec pour seuls points hauts la cime des roseaux. Ils repèrent les endroits habituels : une cuvette que d'autres ont dessiné avant eux. Ils sortent les outils : la bèche pour enlever le "paris", la première couche de terre, puis le "salais", qui coupe la tourbe à la verticale. On l'enfonce sur un mètre et... "toc" : ça butte. Voilà encore la promesse d'un tronc de cette forêt légendaire.
  • Découverte d'un arbre lors de la coupe de la tourbe - © Détail d'une carte postale début 20e

Marais de légende

Inaccessibles, mystérieux et inquiétants, les marais ont depuis toujours excité l’imagination des hommes. On les disait hantés, d’origine fantastique et la Brière ne fait pas exception. La découverte de troncs d’arbres fossiles de plus de 4000 ans au fond des eaux inspira nombre de légendes. Selon les conteurs briérons, la forêt de Brière fut ravagée par une anguille géante. Ces troncs se sont transformés en «morta». Dans le marais on peut se raconter beaucoup d’histoires. Mais faire parler les arbres, qui le pourra ? Les Krapados évidemment ! Ce peuple habite les marais de Brière depuis la nuit des temps. Mi-farfadets, mi-crapauds, invisibles, facétieux, ils accompagnent les humains. Parfois ils acceptent d’aider au progrès en confiant une part de leur savoir. Par chance, en Brière, au village de Kerhinet, il est possible de les contacter… Retrouvez-les dans les livres, écrits par Gérard Guillet et illustrés par JC kiarkk "Du monstre qui creusa les marais" et "Contes et légendes de Brière".

Livre "Contes et légendes de Brière"   Visite de Kerhinet avec les Krapados

Livre "Sacrée Brière ! Histoires et Légendes des Saints de Brière
  • La Vouivre - Légendes de Brière - © Kiarkk & Guillet

La deuxième vie des arbres

Pendant 4000 ans conservés à l'abris de l'air et de l'oxygène, les arbres de la forêt se sont nourris des sédiments de la tourbe et ont engagé une fossilisation. Lorsqu'on les exhume du marais et qu'ils sont encore gorgés d'eau, leur bois est tendre et malléable. Secs, certains deviennent durs comme la pierre et imputrescibles. Les Briérons y ont vu un matériau résistant, apte à supporter le poids de leur toiture de chaume et l'ont utilisé comme bois de charpente. Plus tard, alors que le tourbage n'avait plus cours, on a repris l'exploration du marais pour en extraire ce bois ancestral, ce "Morta" qui se travaille, se façonne, pour revivre dans un couteau, un bijou, un objet du quotidien ou une oeuvre d'art...

Du matériau de construction au bois précieux

La forêt de Brière se composait essentiellement de chênes et de bouleaux. De deux essences, la Brière fit deux Mortas : le Morta rouge, issu du bouleau et le Morta noir, issu du chêne. Pour ses qualités mécaniques, c'était le Morta noir qui était utilisé par les Brièrons en charpenterie. Aujourd'hui, les artisans de Brière en apprécient la densité et l'intense tonalité. Ils le font sécher lentement pour qu'il ne se fende pas et le travaillent aux outils lapidaires. Il devient dans leurs mains couteau, bijou, stylo... Le Morta rouge est apprécié pour sa souplesse et sa couleur rougeoyante. Travaillé encore mouillé, il autorise la création de formes étonnamment souples. Il est le Morta chéri par les artistes auxquels il inspire fluidité et mouvement.
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  • La Vouivre - Légendes de Brière
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